ECONOMIE
Pour le protocole de Kyoto, passez par l’Allemagne !
Depuis 1999, l’Allemagne a diminué de 8 milliards d’euros les prélèvements sur les salaires et augmenté d’autant les taxes sur les énergies polluantes. Résultat ? Diminution constante des émissions de gaz polluants et création de 250'000 emplois. La stratégie allemande pour respecter le protocole de Kyoto repose plus sur... des outils du marché. Entretien avec Kai Schlegelmilch, du ministère l’environnement et Vice-président du Budget vert allemand

Philippe de Rougemont / DATAS

Depuis 1999, l’Allemagne a diminué de 8 milliards d’euros les prélèvements sur les salaires et augmenté d’autant les taxes sur les énergies polluantes. Résultat ? Diminution constante des émissions de gaz polluants et création de 250'000 emplois. La stratégie allemande pour respecter le protocole de Kyoto fait des émules.

Augmenter les taxes sur l’énergie et diminuer dans la meme proportion les charges salariales, c’est le principe de la Réforme fiscale écologique (RFE). L’Allemagne a instauré cette réforme en 1999 et est un des seuls pays au monde à avoir significativement diminué ses émissions de gaz à effet de serre. Selon Jacqueline Cottrell, Cheffe de projet de FÖS, Association allemande de promotion de la RFE, “ l’écotaxe permettra d'empêcher le relâchement de 10 millions de tonnes de CO2 en 2005 par rapport au niveau de 1998 ”. Selon l’Office fédéral allemand de la statistique, la consommation de carburant a diminué de 10 pour cent depuis 1999, un fait inédit dans l’histoire allemande. L’usage des transports publics urbains et inter-urbains augmente aussi chaque année. Dans le domaine des renouvelables, 100'000 bâtiments ont été recouverts de panneaux solaires et le programme éolien allemand fait figure d’exemple au niveau mondial. Le boom des renouvelables et la diminution des coûts de l’emploi ont à eux seuls permis la création de 250'000 emplois durables. Investir dans l’efficacité énergétique crée 4 fois plus d’emplois à long terme que d’investir dans la production d’énergie, selon une étude de l’Institut de recherche canadien Pembina.
Kai Schlegelmilch, officiel du Ministère allemand de l’environnement et Vice-président du Budget vert souligne que “ l’Allemagne est le protagoniste majeur en faveur de la réforme fiscale. Nous avons déjà réduit nos émissions polluantes de 19 pour cent depuis 1990 ” L’exemple allemand fait des émules en Europe et au-delà. “ L’Europe est maintenant la première région du monde qui impose des taux de taxes énergétiques a ses pays membres rajoute Schlegelmilch. La Slovénie et l’Autriche ont suivi des réformes fiscales écologiques et il y a des initiatives prometteuses en France, Italie, Espagne, mais aussi en Corée du Sud et au Japon ». Le Ministère allemand de l’environnement collabore activement pour l’introduction de la RFE dans d’autres pays, comme la République Tchèque et la Pologne.

Et en Suisse ?
Contrairement à l’Allemagne ou à la Grande-Bretagne, le niveau d'émission de gaz à effet de serre n’a pas diminué depuis 1990. Plusieurs années ont été perdues depuis que la loi sur le CO2 a été adoptée en 1999. Du temps, compté en années, était laissé à l’économie pour qu’elle restreigne d’elle-même les émissions polluantes. M. Thomas Stadler, Chef de la section économie et climat de l’OFEFP tire un bilan de ces mesures : « Notamment en raison du trafic routier, les mesures librement consenties ne suffiraient pas pour respecter le protocole de Kyoto, malgré les réductions d’émissions polluantes obtenues par le secteur de l’industrie ». Sur le bureau du Conseil fédéral, 4 projets de taxes CO2 attendent d’être départagés. Sa décision devra ensuite passer par le Parlement. Une des versions proposées par le Département de M. Leuenberger (variante 1) est une taxe incitative qui reprend le principe de la réforme fiscale écologique : dissuasive pour la consommation d’essence et de mazout, incitative pour l’embauche. Soutenu par la gauche, les écologistes et les syndicats, ce projet fédéral fait face au projet de « Centime climatique » des milieux de l’économie et des partis de droite. Ici, on ne peut plus parler d’effet incitatif, ni de redistribution. Le produit de la mini-taxe servirait à financer l’achat de permis de polluer à des pays en « sous-régime » de pollution.
Dans son rapport soumis à consultation sur les 4 variantes de taxe CO2 proposées, le DETEC calcule que la variante 1 serait bénéfique pour l’emploi, entraînant la création de 6 à 10 000 postes de travail en Suisse, et que les autres projets ne permettraient pas à la Suisse de respecter les engagements de Kyoto. Le Conseil fédéral se penchera sur les différentes variantes lors de sa retraite du 23 mars.

Philippe de Rougemont / DATAS