FIRMES
Après le scandale, Eco-emballages rend des comptes
(Paris, 17/12/2008) Après avoir avoué le placement de 70 millions d’euros sur des fonds non sécurisés - gérés par Primores, intermédiaire financier suisse - l'organisme sans but lucratif Eco-emballages a révoqué son directeur général. Il commence à rendre des comptes au Ministère français de l’écologie, par le biais d’un audit externe...

Rouba Naaman, NOVETHIC, retransmis par / DATAS

Eco-emballages a avoué avoir spéculé avec l’argent destiné aux collectivités locales. Le scandale a déclenché les foudres du Ministère français de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire (MEEDDAT), qui a réclamé sur-le-champ une enquête sur les finances de l’organisme.

Le conseil d’administration d’Eco-emballage a décidé, lors d’une assemblée exceptionnelle dimanche 14 décembre, de révoquer son directeur général Bernard Hérodin, et de créer un comité exécutif chargé « d’assurer la supervision de l’activité d’Eco-Emballages et de gérer la sortie des fonds de trésorerie bloqués ».

Les conclusions de l’audit externe lancé par Eco-emballages ce même jour ont été présentées devant la commission consultative du 16 décembre. Les pertes pourraient atteindre 22 millions d’euros. Un problème épineux, car Eric Guillon, président et nouveau directeur général d'Eco-emballages, est aussi président du Comité 21, association pour le développement durable regroupant entreprises et collectivités locales.

Eco-emballages est un organisme privé, agréé par l’Etat, qui gère l’éco-contribution versée par près de 47000 entreprises pour participer au recyclage des emballages. Il redistribue 94% des sommes récoltées aux collectivités locales afin de les aider à mettre en place la collecte sélective des déchets et le recyclage. Durant le délai entre la réception de l’éco-contribution et le versement des aides aux municipalités, Eco-emballages réalise des « placements intelligents ».

En réalité, une partie conséquente de sa trésorerie (28% en 2008 et jusqu’à 55% en 2006) est investie dans des fonds de fonds étrangers, dont le manque de transparence pourrait lui coûter son agrément. L’organisme se défend pour l’instant d’avoir placé cet argent dans des paradis fiscaux, contrairement à ce qu’affirme le communiqué du Ministère, qui dénonce de son côté « l'emploi de fonds à risques, inacceptables au regard de la morale républicaine ».

Comment un tel organisme, à but non lucratif et d’intérêt général, peut-il placer une partie conséquente de sa trésorerie dans des placements non sécurisés ? Eco-emballages est une Société anonyme (SA) qui peut donc légalement placer son argent. Une partie (72% en 2008) des sommes reversées aux collectivités est préalablement placée dans des produits financiers classiques, « des placements de bon père de famille, plutôt rentables » explique Olivier Desforges, représentant du nouveau comité exécutif d’Eco-emballages.

Le reste de la trésorerie, soit 70 millions d’euros en 2008, et près de 172 millions entre 1998 et 2008, est réparti dans trois fonds de fonds étrangers : Auriga (dont Eco-emballages a pu se retirer avec un gain de 22 millions d’euros), Santa Barbara et Primores, dont Eco-emballages tente de se retirer depuis l’éclatement de l’affaire, le 21 avril 2008.

Le conseil d’administration d’Eco-emballages nie farouchement avoir été au courant de ces placements risqués. « La gestion de la trésorerie se résumait à une ligne. Lorsque cette ligne a affiché une moins value [lors du conseil d’administration du 21 avril], on s’est posé la question » justifie Olivier Desforges.

Les difficultés de Primores, un intermédiaire suisse qui a réalisé des investissements dans deux fonds pour Eco-emballages, pourraient faire perdre 16,4 millions à l’organisme. Pointés du doigt : Bernard Hérodin et sa directrice financière, seuls décisionnaires (selon les conclusions de l’audit) et qui avaient un contact direct avec Primores.

La commission consultative a annoncé la création d’un groupe de travail réunissant les représentants du comité d’agrément, chargé de faire la lumière sur ce scandale. Son travail devrait éclaircir les derniers points sombres : depuis combien de temps ces placements à risques étaient-ils réalisés ? Combien ont-ils fait gagner à l’organisme ? Bernard Hérodin peut-il être le seul accusé ? La création d’un comité d’audit financier, grand absent chez Eco-emballages, est l’une des mesures phares que s’est imposée le conseil d’administration.

Reste à savoir quelle somme sera perdue. En attendant, les entreprises qui versent l’éco-contribution ne seront pas sollicitées pour compenser d’éventuelles pertes, une augmentation de 25% de cette contribution étant déjà prévue au 1er janvier 2010. « Eco-emballages assumera tous ses engagements sans pénalisation ni report d’échéance » insiste Olivier Desforges.

Ce scandale remet sur le tapis la question du statut fiscal des éco-organismes. Pour Bertrand Bohain, délégué général du Cercle national pour le recyclage (CNR), « il faut créer un statut spécial pour ces structures, qui ne sont ni des sociétés privées, ni des organismes publics ». Un collectif d’associations de consommateurs* réclament « un rapport public précisant tous les détails » de l’affaire.

Qui, dans les ministères de tutelles d’Eco-emballages, était au courant ? « L’Etat devra assumer pleinement sa responsabilité dans cette affaire. En donnant son agrément à Eco-emballages, il s’engage aussi à encadrer son fonctionnement » soutient Bertrand Bohain. Jean-Louis Borloo, ministre de l’écologie, s’est déclaré pour « un renforcement du contrôle par l’Etat du fonctionnement de l’ensemble des éco-organismes » et « du rôle de censeurs nommés par l’Etat afin de permettre un contrôle économique et financier par l’Etat dans tous les organismes de ce type ». Le Centre national d’information indépendant sur les déchets (CNIID), Agir pour l’environnement et les Amis de la Terre demandent au MEEDDAT de mettre en place « une instance de régulation publique indépendante ayant un pouvoir de contrôle et de sanction des éco-organismes ».

Source: Novethic.fr

*Association Etudes et consommation (ASSECO CFDT) – Confédération générale du logement (CGL) – Consommation, logement et cadre de vie (CLCV) – Confédération syndicale des familles (CSF) – Association pour l’information et la défense des consommateurs salariés CGT (INDECOSA CGT) – Union nationale des associations familiales (UNAF)