SUISSE
Un peu d’aide, et beaucoup d’affaires en or en Afrique de l’Est
(09/05/2007) En mission économique en Afrique anglophone, la conseillère fédérale Doris Leuthard atterrit aujourd’hui à Dar es Salaam. La Tanzanie est devenue en 2006 le quatrième partenaire de la Confédération en Afrique noire, grâce à ses exportations d’or brut

Gilles Labarthe / DATAS

Après avoir passé 48 heures en Afrique du Sud, la cheffe du Département fédéral de l'économie (DFE) Doris Leuthard arrive aujourd’hui en Tanzanie, accompagnée d'une délégation économique composée de représentants d’Economiesuisse et d’hommes d’affaires – notamment, un représentant d’ABB. Principaux objectifs de la visite : améliorer les conditions-cadre pour les entreprises suisses et notamment, éviter les phénomènes de double-imposition.
Déjà dotée d’une des politiques les plus néo-libérales de tout le continent, la Tanzanie reste classée dans les quinze pays les plus pauvres du monde. Elle bénéficiera pour l’occasion de la signature d'une nouvelle aide budgétaire de 19 millions de francs sur ces trois prochaines années. L’aide suisse doit appuyer " la stratégie nationale de croissance et de lutte contre la pauvreté ", nous explique à Berne Simone Hug, porte-parole du DFE, qui évoque aussi un projet du Secrétariat d'Etat à l'économie (Seco) situé à Mtwara et " visant à promouvoir les exportations de noix de cajou ".
La Confédération a aussi des intérêts à défendre en Tanzanie. Notamment ses importations de matières premières, qui ont soudain décuplé en 2006, dépassant les 75 millions de francs. Elles seraient composées " principalement de café, de thé, de coton et des fleurs ", nous répond le DFE, sans vouloir entrer dans le détail. Les statistiques que nous avons obtenues de l’Administration fédérale des douanes (AFD) montrent pourtant qu’une seule rubrique est responsable du véritable " boom " tanzanien. " La Suisse a en effet importé beaucoup de ferraille venant de métaux précieux ", justifie un responsable du Seco. Cette " ferraille ", qui s’achète plus de 18'000 francs le kilo, a un nom : il s’agit d’or à l’état brut, non raffiné, de " déchets " ou de " débris " d’or. La Suisse en a importé 3,5 tonnes l’an dernier en provenance de Dar es Salaam, pour une valeur de 66 millions de francs.
En cinq ans, la Tanzanie est devenue le quatrième pays producteur d’or africain, derrière l’Afrique du Sud, le Ghana et la Mali. On y extrait annuellement plus de 45 tonnes d’or en moyenne, représentant quelque 700 millions de dollars à l’exportation. En plein essor, le secteur est devenu la principale source de devises, comme le signale le dossier sur la Tanzanie préparé par le DFE à l’intention des représentants d’entreprises.
Les 3,5 tonnes de " ferraille " enregistrés officiellement par l’AFD ne sont que la pointe visible de l’iceberg, et les positions de la place financière suisse en Tanzanie, bien supérieures à ce que l’on imagine. Comme le rappelle une recherche de la Déclaration de Berne, Crédit Suisse et UBS comptent parmi les principaux partenaires financiers des deux plus grandes multinationales d’extraction de l’or, actives depuis le tournant de l’an 2000 en Tanzanie : la canadienne Barrick Gold, liée au clan Bush, et la sud-africaine AngloGold Ashanti, de la famille Oppenheimer, contrôlant avec le géant De Beers le marché mondial du diamant. Les grandes banques suisses ont des parts sur cette production d’or, qui arrive en Suisse sous forme de barres pré-raffinées – et font l’objet d’une statistique d’importation séparée, non divulguée par l’AFD. C’est donc en dizaines de tonnes d’or, et en centaines de millions de francs par an, qu’il faut compter les intérêts de la Suisse en Tanzanie.

Gilles Labarthe / DATAS

(encadré)
L’extrême pauvreté sur une montage d’or et de nickel
Grand Etat de l’Afrique de l’Est - environ 40 millions d’habitants, pour un territoire 25 fois plus grand que la Suisse – la Tanzanie était classée au 162ème rang sur 177 pays en ce qui concerne l’indice de développement humain. La majeure partie de la population se débrouille avec moins d’un dollar par jour. L'espérance de vie: 47 ans. Ceux qui ont vu le terrible documentaire d’Huber Sauper, Le Cauchemar de Darwin, en gardent des frissons. Au-delà du tourisme, des perches du Nil et de produits de l’agriculture, le secteur minier enregistre une progression importante. Outre l’or, le nickel retient toute l’attention des opérateurs privés étrangers. La multinationale de trading Xstrata, basée à Zoug, a investi 95 millions de dollars et conclu en février dernier un accord avec Barrick Gold pour le projet Kabanga, " un des projets de nickel les plus prometteurs du monde ", affirme Ian Pierce, chef de direction de Xstrata Nickel.

Gilles Labarthe / DATAS