ECONOMIE
Le Kurdistan irakien, pompé par Addax Petroleum
La firme suisse Addax et le groupe turc Genel Enerji viennent de découvrir un important gisement pétrolifère à 60 kilomètres au nord-est de la ville de Kirkuk. L'exploitation commencera en 2007, avec une production estimée à 30000 barils de pétrole par jour. Une affaire juteuse. Et pour la population locale?

Marc Trezzini / DATAS

"Le site de Taq Taq est potentiellement une source majeure de croissance de production de la compagnie ", déclarait récemment Jean-Claude Gandur, le président d'Addax Petroleum, en commentant les résultats des prospections pétrolières au Kurdistan irakien. C’est en effet en 2005 que la multinationale, basée à Genève, a signé un accord avec le gouvernement régional du Kurdistan (KRG). Un accord qui peut surprendre : il est conclu en partenariat avec la société turque Genel Enerji, qui appartient au conglomérat turc Cukurova.

Le duo s'est engagé à exploiter le site de Taq Taq, un champ de production de 680 km2 situé près de la frontière iranienne, pendant 25 ans. La production commencera en 2007 avec un débit de 30’000 barils par jour. Dans un avenir proche, deux autres sites sont en vue, dont celui de Kewa Chirmila. Interrogée sur son développement dans la région, la société Addax n'a pas fait de commentaires.

Pourquoi s’associer avec un partenaire turc pour pomper du brut provenant d’un sol kurde ? Rusen Werdi, chargé de communication à l'Institut kurde de Paris, nous informe que la plupart des entreprises pétrolières actives au Kurdistan sont en fait des consortiums turcs. Comme nous l’explique aussi Jordi Tegel, chargé d'enseignement à l'Université de Fribourg et spécialiste du nationalisme kurde, il n'existe toujours pas de raffineries ni de stations-services au Kurdistan.

Le pétrole est en effet acheté et raffiné en Iran, puis revendu à des privés qui gèrent leur fructueux commerce dans les rues. La construction de l'aéroport, des autoroutes et des hôtels de luxe a aussi été réalisée par des entreprises turques. Toutefois les partenariats de coopération technique étrangère se multiplient dans la région. On peut citer la société norvégienne DNO, avec la turque Petoil, sur le site de Zakho. Ou encore la canadienne Heritage Oil, connue pour son goût des zones à risque, et la britannique Sterling Energy. Le KRG cherche à attirer les entreprises étrangères en mettant en avant la sécurité et en ne prélevant aucune taxe les dix premières années.

Selon le ministre kurde des ressources naturelles, Ashti Hawrani, la région disposerait de 45 milliards de barils en réserve. De quoi attiser les convoitises. A lui seul, le Kurdistan irakien espère produire un million de barils quotidiens au cours des prochaines années alors que Hussain Al Shahristani, Ministre du pétrole au gouvernement central, planche sur une production de six millions de barils par jour d'ici 2012 pour l'ensemble du territoire irakien.

Selon le Premier ministre kurde, Nachiravan Barzani, les investisseurs étrangers auraient déjà dépensé 100 millions de dollars en prospection minière depuis 2003. La réserve de Taq Taq est estimé à 1,2 milliards de barils, soit 2,5% de la réserve de la province. Le gouvernement kurde recevra, selon un contrat de partage de production (PSA), un intérêt participant de 20% dont les bénéfices devront encore être partagés avec les autres régions de l'Irak, selon une loi du gouvernement central.

C’est bien peu, estiment certains observateurs locaux, qui craignent que les recettes tirées de l’exploitation pétrolière ne servent pas beaucoup au développement de la province kurde. Quant aux travailleurs, ils seraient principalement recrutés parmi la population kurde de… Turquie.