SOCIÉTÉ
Babymo, un portable pour enfants qui alerte les parents
C'est petit, mignon, ça a des jolies couleurs et ça sonne. Qu'est-ce que c'est? Le Babymo, un téléphone portable pour enfants de 4 à 10 ans. Flairant un marché juteux, l'industriel chinois CK Telecom a lancé un petit combiné "attrayant". Le produit est controversé en France

Gilles Labarthe / DATAS

"Construit dans un matériau résistant, il ne comporte que trois boutons, faciles à utiliser. Il permet à l’enfant de joindre 5 correspondants dont les numéros auront été enregistrés par ses parents et de recevoir des appels". La publicité pour le Babymo, téléphone portable pour enfants de 4 à 10 ans, se veut convaincante. Le fabricant à tout prévu: son produit est simple, très maniable, pas cher, et il ressemble à un jouet. Il est disponible en trois teintes, blanc, rose et bleu. Les bambins peuvent le porter l'objet autour du cou. Ils sont alors joignables en permanence et ne risquent pas de le perdre, expliquent les promoteurs.

En contact avec l'ADN
Tout prévu, ou presque. En portant en continu leur appareil de téléphonie mobile, les enfants seraient aussi à des désagréments inattendus: plusieurs études scientifiques ont récemment démontré que l'exposition prolongée aux ondes électromagnétiques des natels est néfaste pour la santé. En France, le centre de vielle technologique L'Atelier vient de relayer des résultats d'analyse avancés par la fondation allemande Verum, en partie financée par la commission européenne. Ils sont plutôt inquiétants: "le téléphone portable aurait des effets négatifs sur l'ADN. En exposant des ondes comme celles émises par les téléphones portables sur des tissus humains, l'équipe de scientifiques a relevé la production d'atomes et de molécules particulièrement réactifs". Ces éléments réagiraient avec les molécules d'ADN, engendrant leur mutation. "Les transformations de ces cellules, induites par les micro-ondes des téléphones portables, favorisent l'apparition de cancers...", poursuivent les spécialistes. Les très jeunes enfants constitueraient justement la population la plus vulnérable: "les tissus de leur cerveau sont plus sensibles aux ondes, ils y seront plus exposés parce que leur utilisation du portable durera toute leur vie et leur système nerveux est en fort développement jusqu'à l'adolescence".

Du côté des distributeurs, la contre-offensive est bien connue: les opérateurs de téléphonie mobile s'entendent pour communiquer sur le fait que pour l'instant les effets néfastes sur la santé n'ont pas été démontrés. Hormis des bruitages - et l'apparition de comportements solitaires étranges - leur utilisation ou leur multiplication n'auraient pas d'effets secondaires signalés au niveau mondial. En janvier, une nouvelle étude du National Radiological Protection Board britannique venait le confirmer. Parmi les invitations à la prudence, les experts anglais ont tout de même "demandé aux parents de ne pas laisser leurs enfants utiliser des téléphones portables avant au moins l'âge de huit ans".

Principe de précaution
Les deux rapports, l'alarmiste comme le prévenant, tombent mal: en France, la société de distribution monégasque ITT (International Top Tronic) a lancé sur le marché le Babymo peu avant les fêtes de Noël. Des psychologues, associations écologistes et de défense des consommateurs ont aussitôt réagi. Fin janvier, leur campagne de sensibilisation conduisait deux grandes grands magasins, BHV et Carrefour, à retirer le Babymo de leurs rayons. La société ITT a alors porté plainte pour "dénigrement", estimant que les associations Priartem ("Pour une réglementation des implantations d'antennes-relais de téléphonie mobile") et Agir contre l'environnement s'étaient rendues responsables de "trouble manifestement illicite" en s'opposant à la commercialisation du Babymo en France. Selon Nathalie Beurgaud-Bonada, avocate d'ITT, les associations ont mené une "politique agressive de dénigrement" afin de "diaboliser" le produit. Il n'y aurait "aucune raison médicale ou de santé publique d'éviter le portable pour les plus de deux ans", résume l'avocate. Les juges ne l'ont pas entendu ainsi. Le tribunal des référés de Paris a rendu vendredi 25 avril sa décision sur la demande d'interdiction de campagne d'information contre le téléphone portable pour enfants. Verdict: concernant le Babymo, la campagne de sensibilisation est justifiée. Et pour les consommateurs, le principe de précaution s'impose.


(encadré)
Un marché potentiel en Suisse
Tandis que se poursuit en France la controverse autour des "effets secondaires" du téléphone portable pour enfants Babymo, à coup d'expertises et de contre-expertises, plusieurs sociétés et établissements suisses ont déjà démarché le distributeur monégasque ITT. Contacté à Monaco, le chargé de communication Gilles Capelluto nous le confirme: "au Valais, le centre médico-social de Sierre est intéressé par notre produit, pour équiper des handicapés. Le paradoxe, c'est que nous avons en effet beaucoup de demandes pour des personnes à capacité limitée". Le responsable évoque la simplicité d'utilisation de l'appareil, sa maniabilité comme principaux arguments. Il pourrait aussi être adapté aux personnes âgées ou vivant isolées, par exemple, comme simple "talkie-walkie". Dans le canton de Vaud, la distribution du Babymo pourrait intéresser "des sociétés actives dans la sécurité et la téléphonie", informe Gilles Capelluto, mentionnant l'entreprise familiale Tabelec Force et Commande SA, active dans l'électronique et la domotique. A Loney, son représentant Antonio Oliveira trouve des qualités au Babymo: "On l'a essayé avec des enfants, et on l'a approuvé. Il est pratique, bon marché et a aussi un aspect ludique". Que pense-t-il des risques liés à l'exposition prolongée aux ondes ? "Il faut utiliser les portables pour des durées limitées dans la journée. De toute façon, connaissant le monde dans lequel on vit, on est toujours en présences d'ondes électromagnétiques, avec ou sans téléphone". Il reste toutefois de nombreuses démarches administratives à effectuer avant que la distribution soit vraiment ouverte en Suisse. "Les autorités attendent de voir l'évolution de la situation en France", rappelle le représentant d'ITT. Dans le pays voisin, les mises en garde contre les risques pour la santé liés à l'adoption de ce portable pour enfants, dès le plus jeune âge, ont pris de l'ampleur, jusqu'à alerter les pouvoirs publics ou sensibiliser certains supermarchés qui vendent le Babymo. Un principe de précaution louable, du point de vue des associations de consommateurs, que d'autres pays occidentaux n'ont pas suivi: "le Babymo est déjà commercialisé dans plusieurs pays d'Europe. Il est distribué par d'autres sociétés que la nôtre en Allemagne et en Hollande. ITT fournit le téléphone portable pour enfants dans les grandes surfaces en Belgique et au Luxembourg", termine le responsable.