FIRMES
Une filiale de Nestlé sous enquête à l’Ile Maurice
(12/10/2006) "Vous n’êtes que des pions et moi je suis le général". Ces propos sont sortis de la bouche du manager général de Nestlé à Port Louis. Les employés, déjà exaspérés par des conditions de travail précaires, en ont référé au Ministère du Travail

Marc Trezzini / DATAS

L'industrie mauricienne est concentrée à Port Louis dans une zone franche spécialisée dans l'exportation. On est loin du cliché de carte postale. A plusieurs reprises, la presse locale a pointé du doigt les firmes implantées dans la région. De nombreuses usines ne possèdent pas de locaux climatisés ni de médecins.

Aujourd’hui c’est au tour de la multinationale suisse Nestlé de défrayer la chronique de l’Océan indien, pour d’autres raisons. La faute incomberait à son manager général, Marco Sutterle. Depuis qu’il tient le gouvernail de la filiale, le dialogue avec les salariés se serait notoirement tendu. Cherchant à rendre plus flexibles les conditions de travail, il aurait rencontré une résistance du personnel notamment sur certaines conventions telles que le pointage, les congés maladie, le réalignement des allocations et de la pension par rapport au temps de service.

En septembre dernier, le climat au sein de l’entreprise s’est détérioré davantage. Marco Sutterle aurait lâché des propos dénués de retenue, en comparant ses employés à des pions. "Si je vous dis d’aller au champ de bataille pour y mourir, vous devez vous exécuter." Il se serait aussi adressé en ces termes à l’une de ses employées : "Je vais vous faire travailler si tard que vous n’aurez pas d’autre choix que de divorcer ".

La réponse du personnel ne s’est pas fait attendre. Le taux d’absentéisme est ces jours particulièrement élevé et une plainte vient d’être déposée par une quinzaine d’employés auprès du Ministère du Travail et des relations industrielles.

Selon le quotidien mauricien L’Express, Marco Sutterle a reconnu ses écarts de langage, tout en précisant qu’il n’avait jamais eu l’intention de blesser quiconque. Suivant ses déclarations, il aurait présenté les réformes " en toute transparence ", ne mettant pas en péril la sécurité de l’emploi. Contactée par téléphone, la rédaction en chef du journal nous a précisé que les conditions de travail chez Nestlé ont déjà avivé plusieurs fois les discussions et les débats à Port Louis. Interrogée hier sur la situation de sa filiale à l’Ile Maurice, la section communication du siège de Nestlé à Vevey ne nous a pas encore répondu.

Reste que les écarts de langage de Marco Sutterle, dignes de l’époque de " Tintin au Congo ", tombent particulièrement mal : deux mois exactement après la publication du rapport " Engagements de Nestlé envers l’Afrique ", préfacé par le directeur Peter Brabeck-Letmathe. La publication souligne comment la multinationale suisse entend accroître ses bénéfices (2,4 milliards de francs de ventes pour l’Afrique en 2004) tout en faisant travailler dans ses 27 usines du continent noir quelque 11'500 employés africains, dans un esprit qui respecte les objectifs sociaux du Millénaire du développement, promulgué par les Nations unies.

L’an dernier, Nestlé était attaqué en justice avec deux autres multinationales de l'alimentation, Archer Daniels Midland et Cargill, par le groupe de défense des droits du travail ILRF (International Labour Rights Fund). Il leur a été reproché d’avoir importé, contrairement à leurs engagements, du cacao de plantations en Afrique de l'Ouest exploitant le travail des enfants.

Marc Trezzini / DATAS