SANTÉ
L'aspartame, du sucre qui devient amer
Une large étude menée pendant trois ans par l'équipe du Dr Morando Soffritti à Bologne et publiée en septembre dernier conclut que chez le rat, la consommation de l'aspartame, édulcorant de synthèse connu aussi sous l'appellation Nutrasweet, Canderel ou encore E951, est cancérigène. A l'OFSP, on ne voit, aujourd'hui, «aucune raison de déconseiller l'utilisation de l'aspartame».

Philippe de Rougemont / DATAS

Difficile de tracer la cause d'un cancer! Microparticules issues du diesel? Amiante? Consommation d'aspartame? Présent dans 6000 produits alimentaires courants, des thés froids aux sirops antitussifs pour enfants, cet édulcorant de synthèse a été l'objet d'une recherche menée sur huit ans par la Fondation Ramazzini de recherche sur le cancer à Bologne. Les résultats publiés en septembre ne laissent pas de place au doute, selon Kathryn Knowles, directrice du développement de ressources à la fondation. L'étude souligne une augmentation statistiquement significative des cas de leucémies et de lymphomes chez des rats, parallèlement avec l'augmentation des doses d'aspartame administrées.

Pour Knowles, interrogée par téléphone, «l'aspartame devrait être retiré des additifs alimentaires autorisés». La controverse n'est pas nouvelle. Dès sa découverte en 1965 et la procédure d'autorisation aux USA, des chercheurs et des médecins se sont exprimés dans des revues médicales pour empêcher son autorisation. Aux USA, l'autorité de surveillance sanitaire (FDA) a reçu plus de plaintes pour l'aspartame que pour tous les autres additifs alimentaires réunis. Selon Knowles, «les données fournies par l'industrie des édulcorants aux autorités de régulation il y a trente ans étaient très sommaires».

Faut-il interdire l'aspartame?
Aux USA un premier Etat, le Nouveau-Mexique, se prononcera le 9 janvier sur un projet d'interdiction de l'aspartame sur son territoire.
Pour Knowles, le travail de la fondation est terminé, c'est au tour des gouvernements de décider d'une interdiction de l'aspartame. «Ce sera très difficile pour les gens de voir que ce qu'ils ont consommé sans crainte depuis trente ans était en fait dangereux.»
Joint à l'Office fédéral de la santé publique, le Dr Michael Beer, directeur de la division science alimentaire, ne veut pas se prononcer avant que l'office ait pu examiner les comptes-rendus complets des études sur les 1800 rats, recueillies par la Fondation Ramazzini. «Nous attendons toujours de recevoir les données plus précises des auteurs de l'étude», nous dit-il. Autre son de cloche recueilli au siège de la fondation à Bologne, où selon Kathryn Knowles, «nous n'avons pas reçu une telle demande des autorités suisses, mais de l'Autorité européenne de sécurité des aliments» (EFSA) basée à Parme.

Berne se range habituellement derrière les recommandations de l'EFSA, qui a demandé à son groupe scientifique sur les additifs alimentaires d'examiner en priorité ces résultats. L'agence de régulation communautaire s'attellera, le cas échéant, à «réexaminer entièrement ses recommandations sur l'aspartame». Le processus prendra «vraisemblablement plusieurs mois».