SUISSE
USA: le Congrès va enquêter sur les comptes suisses de Castro
L'UBS se retrouve épinglée par un sous-comité à Washington réclamant la saisie de milliards de dollars pour violation des embargos sur Cuba, l'Irak, l'Iran ou la Libye. Une enquête pour soupçon de blanchiment est à l'ordre du jour

Gilles Labarthe / DATAS

En avril 2003, les troupes de la coalition avaient trouvé à Bagdad 762 millions de dollars dans des caches appartenant à Saddam Hussein. Les enquêteurs américains avaient remonté la filière: les billets neufs avaient été fournis par l'UBS, dans le cadre du Extended Custodial Inventory Program - programme américain dirigé par la Réserve fédérale de New York en coopération avec les banques internationales pour le remplacement des vieilles coupures.

Ce type d'opération était soumis à une condition, cruciale: ne pas délivrer de devises américaines aux pays frappés d'embargo par les USA pour leur financement présumé du terrorisme international. Bravant l'interdit, l'UBS avait été condamnée en mai 2004 par la Banque centrale américaine (FED) et la Commission fédérale des banques à payer une amende de 100 millions de dollars.

Aujourd'hui, le géant suisse se retrouve à nouveau accusé d'avoir contourné les embargos en fournissant également l'Iran (1 milliard de dollars), la Libye (30 millions) et surtout, Cuba (3,9 milliards). L'UBS devra s'expliquer ces prochaines semaines: le House International Relations Committee va en effet ouvrir une enquête pour soupçon de blanchiment d'argent, informe la presse américaine.

Parmi les députés américains qui réclament avec le plus de vigueur des sanctions contre l'UBS sur cette affaire: Ileana Ros-Lehtinen, représentante républicaine de Floride qui se présente fièrement comme "la première femme d'origine cubaine a avoir été élue au Congrès". Qualifiée d'hystérique par le Gouvernement cubain, de politicienne arriviste par certains de ses pairs, Ileana Ros-Lehtinen dénonce depuis longtemps la dictature castriste et "ses dangereuses installations nucléaires". Un pays inscrit avec l'Iran et la Libye comme principal "sponsor du terrorisme" sur la liste du Département d'Etat.

Puisque le Gouvernement américain a exigé le gel des avoirs de Saddam Hussein, il peut aussi "faire bloquer les comptes suisses de Fidel Castro", avance-t-on dans l'entourage des néoconservateurs. L'ouverture de cette enquête, demandée depuis novembre 2004, ne sera pas une sinécure pour l'UBS. Contacté au siège de l'établissement bancaire à Zurich, le porte-parole Serge Steiner trouve "exagérées" les informations véhiculées dernièrement par quelques quotidiens américains ainsi que par une dépêche de l'ATS du 8 octobre: "Nous n'avons pas été avertis d'une éventuelle investigation devant le Congrès. On reste assez "cool" sur ce dossier: l'UBS ne gère pas les fonds de "personnes politiquement exposées." Nous n'avons pas non plus de comptes appartenant à Fidel Castro à Zurich. Et parler de blanchiment d'argent, c'est faux."

L'embarras est plus perceptible à Berne, à la Commission fédérale des banques. "C'est une vieille histoire", commente d'abord la cheffe de communication Tanja Kocher, qui se souvient bien des 100 millions de dollars d'amende payés par l'UBS en 2004, mais n'est "pas au courant" de l'enquête qui va s'ouvrir à Washington. Informée de la situation, elle répondra plus tard que la Commission "ne peut pas se prononcer sur une affaire en cours".

Affaire, il y a. Ces derniers jours, un officiel du Département de la justice américain réclamait même le droit de mener la chasse à de tels fonds "liés au financement du terrorisme ou aux violations d'embargos US, même s'ils se trouvent placés sur des comptes bancaires à l'étranger". Selon des enquêteurs du Congrès cités par le New York Sun, un compte cubain était alimenté par des envois mensuels de devises américaines de La Havane à Zurich, grâce à un jet spécialement affecté à cet usage par le régime de Fidel Castro. Ce compte aurait depuis été fermé. D'autres seraient restés ouverts. DATAS