SOCIÉTÉ
La corde à linge donne du fil à retordre
Ce qui fait le charme de Naples donne parfois de l’urticaire aux voisins en Suisse. La lessive étendue en plein-air, c’est idéal pour obtenir un linge frais, peu froissé et économiser l’énergie. Mais gare aux dénonciations et aux amendes ! Gros plan sur les pratiques et les lois.

Philippe de Rougemont / DATAS

Les ménages suisses dépensent chaque année 117 millions de francs en électricité pour sécher leur linge. Sans compter l’amortissement du coût des appareils. Selon l’Agence suisse pour l’efficacité énergétique, la tendance va vers une utilisation accrue des armoires de séchages et autre sèche-linge énergivores. Pourtant, la saison estivale et même les entre-saisons encouragent, là où l’habitat le permet, de reprendre les habitudes de nos grands-mères et de mettre à profit les forces de dame-Nature. Le bon vieux fil à linge resterait le meilleur moyen d’obtenir des habits non seulement secs, mais aussi frais et peu froissés. De plus, pour les inconditionnels de la pince à linge, l’étendage en plein-air permet des économies d’énergie.

Du linge propre mais pas “ propre en ordre ”
Difficile, lorsqu’on habite un immeuble, de passer à la mise en pratique. C'est pourtant ce que des habitants ont décidé de faire dans leur coopérative du quartier de la Servette, à Genève. Ils ont tendu des cordes à linge entre des poulies, accrochées à leurs balcons. Ne restait plus qu’à accrocher le linge à sécher et laisser faire le temps, la brise et le soleil. C’était sans compter ce qui caractérise notre pays auprès des visiteurs étrangers : un goût prononcé pour le “ propre en ordre ”. Après quelques jours, un agent municipal est venu ordonner, sous peine d’amende, que les sous-vêtements soient retirés de la vue des voisins. Renseignements pris au poste de police du quartier, la secrétaire administrative découvre qu’une loi datant de 1955 stipule qu’à Genève, il est “ interdit, après 10h, du matin, dans toute l'agglomération urbaine, d'exposer ou d'étendre du linge aux balcons et galeries donnant sur la voie publique." En 17 ans de carrière, je n'ai encore jamais entendu parler d'une personne qui se serait plainte de la vue de linge séchant sur la voie publique”, nous déclare-t’elle. Du côté des agents municipaux du quartier, le ton est moins catégorique : “ Nous n’intervenons pour ainsi dire plus pour ça ”.

Fribourg plus progressiste que Genève ?
D'autres cantons seraient moins "propre en ordre". “La législation cantonale fribourgeoise ne contient aucune disposition à ce sujet”, nous informe Luc Vollery, du Service de législation de l’Etat de Fribourg. A défaut de réglementations cantonale et communale, on reste dans le domaine des relations de droit privé. Le juriste de l’association suisse des propriétaires fonciers, Thomas Oberle, précise toutefois que “le séchage du linge en plein air est encore mal vu dans beaucoup d’endroits les dimanches et jours fériés. Il vaut mieux s’abstenir ces jours-là dans la mesure où le linge suspendu se voit de dehors”.
Et qu’en est-il du droit fédéral ? Tami Renato, chef du service juridique de l’Office fédéral de l’énergie, nous le confirme: “aucune loi au niveau de la Confédération ne réglemente le sujet”. Par contre, l’article 3 de la loi sur l’énergie édicte des principes clairs pour les consommateurs : “toute énergie doit être utilisée de manière aussi économe et rationnelle que possible; le recours aux énergies renouvelables doit être accru”.