ECONOMIE
Bush : j'aide l'Afrique, moi non plus
George W. Bush affirme avoir triplé l’aide au développement de l’administration Clinton pour l’Afrique. C’est qu’entre-temps, l’aide du Département d’Etat liée à la défense, à la lutte contre la drogue et la non-prolifération nucléaire ont été associés au “ développement ”. Gros plan sur les manipulations comptables de l’administration Bush

Philippe de Rougemont / DATAS

Depuis quelques semaines, le Président G.W. Bush prépare sa réponse à Anthony Blair, hôte du Sommet du G8 en Ecosse, qui demande d’augmenter substantiellement l’aide au développement. “ Les Etats-Unis ont triplé l’aide au développement de l’Afrique pendant ma présidence ”, déclarait encore Bush dans le Times du 30 juin. Trop beau pour être vrai ? C’est ce qu’à voulu savoir le Brookings Institute, centre de recherche économique à Washington le plus cité par la presse étasunienne, en conduisant une analyse détaillée des dépenses de l’administration Bush. Résultat ? L’aide publique au développement (APD) aurait augmenté de seulement 56% depuis la présidence Clinton, passant à 3,3 milliards de dollars en 2004. Soit une augmentation 6 fois moins importante qu’annoncé. Où les économistes de Bush trouvent-ils les 250% d’augmentation restants pour justifier les affirmations d’une aide “ triplée depuis l’administration Clinton ” ? Il faut passer beaucoup de temps à fouiller dans les comptes du Département d’Etat à Washington pour s’y retrouver. C’est ce qu’a fait Susan Rice, chercheuse au Brookings Institute.

Promesses et manipulations comptables
Il ressort de ses analyses que l’administration Bush a rajouté au compte du développement ses programmes liés à la lutte contre l’arc intégriste en Afrique musulmane, au maintien de la paix, à la non-prolifération d’armes et à la lutte contre la drogue, entre autres. Autres exemples de manipulations comptables dans le domaine des APD aux USA: l’Initiative présidentielle contre le SIDA en Afrique, annoncée en janvier 2003, attend toujours d’être présentée au Congrès pour permettre son financement. Autre particularité de l'aide étasunienne: elle serait bilatérale, au lieu d’être apportée aux institutions multilatérales spécialisées, comme le Fonds mondial de lutte contre le VIH/SIDA. Enfin, plus de trois ans après l’annonce par Bush du programme Millennium challenge account en présence du chanteur Bono, avec 600 millions de dollars à la clef, seuls 400'000 dollars ont effectivement été alloués à ce jour. Toujours selon Rice, qui enfonce le clou, “ plus de la moitié de l’augmentation de l’APD sous Bush prend la forme d’aide alimentaire d’urgence ”. Une aide vitale, mais différente de celle demandée par Blair au sommet du G8, soit l’annulation des dettes auprès de la Banque Mondiale et du FMI et la fin des subsides US qui ferment la porte aux importations provenant des pays Africains.

Les dictatures ont bon dos
Rappelons que les populations les plus pauvres se trouvent souvent dans les pays les plus mal gouvernés. Les pays du G8, sous l’impulsion de l’administration Bush, ont d'ailleurs conditionné toute extension de leur allègement de la dette publique. 14 pays d’Afrique ont vu leur dette publique annulée par le G7 (les pays du G8 moins la Russie) le 11 juin 2005. Cette mesure pourrait être étendue à d'autres pays candidats, sous condition qu'ils démontrent une gouvernance “ transparente ”, apportant les garanties que l’aide publique n'est pas détournée, mais atteint effectivement les populations plus pauvres. En portant un regard acéré sur la tenue des promesses de dons de la part des Etats-Unis, on constate que cette fameuse transparence manque cruellement aux donneurs de leçons eux-mêmes.