SAVOIRS
Une petite mousse pour combattre les grandes chaleurs
Urbanisme - les architectes redécouvrent les vertus des toitures végétalisées pour lutter contre la canicule. Leurs propriétés isolantes sont aussi très appréciées en hiver. A Paris, une exposition au Pavillon de l'Arsenal présente plusieurs scénarios d'aménagement pour réinventer des villes vertes. Visite commentée

Gilles Labarthe / DATAS

Paris, une des villes les plus denses du monde. Avec ses 202 habitants par hectare, la capitale française compte dix fois plus d'habitants au kilomètre carré que Rome ou Madrid. Comparée à d'autres mégapoles européennes, elle souffre aussi de «déficit végétal». «La demande sociale pour un environnement vert de qualité se fait de plus en plus pressante», remarquent les organisateurs de l'exposition "Nouveaux Paris, la ville et ses possibles", installée au Pavillon de l'Arsenal (1).

Sous la direction du commissaire Nicolas Michelin, architecte et urbaniste, la manifestation se propose «d'explorer les possibilités d'évolution de Paris au regard des enjeux du développement durable et des nouvelles pratiques citadines». On entre par la salle du haut. De grandes vues aériennes des arrondissements parisiens illustrent une triste réalité: en dehors de quelques avenues boisées, les taches vertes se résument à quelques terrasses privées.

Fermées au public, les cours intérieures des célèbres immeubles haussmanniens sont relayées à la fonction d'espace poubelle. Paris, c'est ensuite des chiffres: 50 rats, 13 voitures, 5 chiens, 2 pigeons et 4 arbres seulement pour 50 habitants. Une réalité à donner des sueurs froides, même en pleine canicule.

Pris dans un savant labyrinthe de panneaux en aluminium et de draps blancs - l'exposition a été mise en espace par l'architecte japonais Toyo Ito -, le visiteur découvre alors l'étage inférieur. Défilant sur fond d'écran pixellisé, une vingtaine de simulations architecturales. Elles ont été inspirées d'expériences européennes: valoriser un espace résiduel, investir un toit inoccupé, démolir un mur pignon, verdir un coeur d'îlot, réunir des cours d'immeubles, autant d'interventions qui permettraient de gagner du terrain sur le bitume.

A coups de simulations, les architectes parisiens redécouvrent en particulier les vertus des toitures végétalisées, décrites au XVIIIe siècle par le naturaliste Linné. Assez répandues en Europe, elles restent sous-exploitées en France. Par rapport à un toit en gravier, elles offrent pourtant «une surface vivante, qui change d'aspect avec les saisons et la floraison des végétaux. Elles sont composées de matière organique et de roche de type volcanique, accueillant un tapis de plantes vivaces ou graminées qui peuvent cohabiter avec des bulbes ou des mousses», expliquent les connaisseurs.

Avec le réchauffement climatique et la multiplication des épisodes caniculaires, la toiture végétalisée a bien des avantages: «Elle améliore l'isolation thermique des bâtiments et l'hydrothermie des villes par la création de microclimats. Elle permet aussi d'absorber les polluants urbains et de diminuer ainsi la pollution atmosphérique», résume en substance Bruno Berthineau, expert au Centre scientifique et technique du bâtiment.

De la verdure sur les toits; des plantes en pot dans les cours intérieures communes; des balcons fleuris. Pourquoi pas? «Tout ça, c'est des emplâtres sur une jambe de bois», s'énerve un visiteur, qui observe que l'exposition Nouveaux Paris, la ville et ses possibles ne remet jamais directement en cause les principaux fléaux qui rongent Paris: la circulation automobile, et la solitude.

Un Parisien sur trois privilégie la voiture, qui a une priorité indiscutable, même sur les passages piétons. Et un habitant sur deux habite seul dans son appartement, ignorant les vertus du partage et de la cohabitation.


(1) "Nouveaux Paris, la ville et ses possibles", Pavillon de l'Arsenal, Paris, jusqu'au 21 août 2005. Internet: www.pavillon-arsenal.com