ECONOMIE
Après l’hydroélectricité, le Québec prend le virage de l’éolien
Le géant québécois de l’hydroélectricité HydroQuébec lance le plus grand appel d’offre de production d’électricité éolienne de l’histoire : 2000 mégawatts. Soit l’équivalant de deux centrales nucléaires. Opérant un virage a 180°, la régie exploitera l’énorme gisement éolien de la province. Enquête.
Philippe de Rougemont / DATAS
(Montréal, 18-06-2005)
Selon l’atlas mondial des gisements d’énergie éolienne établi en septembre 2004 par des chercheurs de la prestigieuse université Stanford en Californie, le Québec possède un des plus importants gisements d’énergie éolienne au monde. De son côté Hélimax, entreprise de Montréal qui mène des analyses de vent dans 17 pays, estime le potentiel éolien du Québec à 100 000 mégawatts (MW). Soit largement plus que toutes les grandes centrales hydroélectriques d’Hydro-Québec ! Après l’abandon de la construction d’une centrale thermique au gaz, la centrale du Suroît, qui a levé contre elle un vent d’opposition populaire en plein débat sur le protocole de Kyoto, Thierry Vandal, le nouveau PDG de la régie d’Etat, vient d’annoncer un virage à 180 degrés vers l’exploitation de son potentiel éolien. Le nouveau PDG compte faire de la régie d’État un leader mondial de l’éolien. Comment ? « Nous comptons mettre les forces du marché en concurrence. Pour obtenir les prix les plus bas par des exploitants privés, nous avons lancé un premier appel d’offres de 1000 MW. L’appel est si important que nous avons pu émettre nos conditions, soit 40 pour-cent de retombées économiques locales et une limite de 6,5 centimes par kilowatt-heure », nous précise Marc Brian Chamberland, porte-parole d’Hydro-Québec. Soit 1 centime de moins que le courant produit par le projet de centrale au gaz naturel du Suroît - les gaz à effet de serre en moins. Le deuxième appel d’offres de 1 000 MW annoncé pour cet automne pourrait porter la part de l’énergie éolienne au Québec de 0,2 pour-cent actuellement à environ 7% d’ici 10 ou 15 ans.
Quelles retombées économiques pour le Québec ?
Au grand regret des chercheurs et des entreprises de la province, les entreprises en main québécoises ne seront pas favorisées. Hydro-Québec n’a pas l’intention d’acquérir elle même le savoir faire en matière d’exploitation du vent. «Nous préférons laisser cette activité à des spécialistes de l’énergie éolienne et nous concentrer sur l’hydroélectricité », précise Josée Morin, autre porte-parole d’Hydro-Québec. Faute de favoriser ses propres entreprises, le Québec ne profitera que marginalement de cet exceptionnel appel d’offre et ne pourra pas, malgré l’intention de son Premier ministre, le libéral Jean Charest, « faire de la province un chef de file mondial de l’éolien ». Selon Jean-Louis Chaumel coordonnateur du groupe de recherche en énergie éolienne de l’Université du Québec à Rimouski, cité par l’hebdomadaire québécois l’Actualité, « loin d’enrichir les Québécois, les dollars du vent s’entasseront surtout dans des coffres ontariens ou américains.» Certes, l’assemblage des tours et des nacelles se fera en Gaspésie par la société québécoise Marmen. Mais les turbines seront fabriquées par le géant General-Electric, aux Etats-Unis. Les deux milliards de dollars de retombées économiques qui reviendront selon Hydro-québec en Gaspésie risquent de ne pas faire de petits.
ENCADRE
A quoi bon les renouvelables ?
Etandards du « développement durable » et du protocole de Kyoto contre le réchauffement climatique, les énergies renouvelables sont appelées à remplacer pétrole, gaz, charbon et uranium dans notre approvisionnement énergétique. Or jusqu’à maintenant la croissance économique n’a toujours pas été découplée de la croissance de la consommation énergétique globale. Dans ce contexte, les renouvelables ne serviraient-ils qu’à accompagner la fuite en avant dans la surproduction d’énergie ? Selon les organisations écologistes et les conventions de l’ONU, la clef est dans l’efficacité énergétique. Soit la maîtrise de la consommation d’énergie. Le défi : répondre aux besoins tout en diminuant la consommation globale, pour à terme se passer des énergies non renouvelables. Selon Markus Geissman, responsable pour l’énergie éolienne à l’Office fédéral de l’énergie, « la Loi sur l’énergie place l’utilisation rationnelle de l’énergie et le développement des renouvelables sur un pied d’égale importance ». Malgré les intentions de la loi, l’utilisation rationnelle de l’énergie ne parvient pas à limiter la consommation en Suisse. Pourquoi ? M.Geissman conclut « Je pense que c’est en raison de l’augmentation de la population, mais aussi parce que le nombre d’appareils électriques augmentent, notamment le refroidissement des bâtiments par le conditionnement de l’air ». La logique économique de consommation et production semble - pour l’instant – difficile à concilier avec les impératifs écologiques.
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